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Un French tree pour War Thunder

A la croisée de ma passion de la simulation de vol ou de l'histoire l'aviation, mais également de certaines de mes autres activités comme l'enseignement ou consultant en patrimoine audiovisuel, je voudrais participer à promouvoir, dans le monde virtuel des jeux de simulation en ligne, comme War Thunder, la présence d'un « French Tree » correcte d'un point de vue historique (c'est à dire, d'une sorte d'arbre généalogique de l'aviation militaire française) pendant l'ensemble du dernier conflit mondial de 1939 à 1945.

Comme des millions de passionnés, je pratique la simulation de vol depuis le milieu des années 1980, en ayant commencé sur MSX ou Atari ST, puis continué sous PC avec Flight Simulator (depuis sa version II) et bien d'autres logiciels dans les années 1990 ou 2000. Ma pratique de l'aviation virtuelle aura d'ailleurs nourri celle du vol en "grandeur" comme en ULM, puis en aéromodélisme et completée mes nombreuses lectures sur le sujet.
Le rendu graphique mais également le réalisme de ces simulateurs n'a cessé de croitre et certains logiciels accessibles au "grand-public" sont d'ailleurs agréés dans le décompte des heures ou le maintien de certaines qualifications pour les vraies licences de pilotes. La "dronisation" d'aéronefs de combat télé-pilotés à des milliers de kilomètres donne d'ailleurs un sens nouveau à la "simulation de vol" qui à son tour s'immisce de façon ambiguë dans le réél.


Ci dessus, capture d'écran d'un de mes vols sur un Spitfire MkVb aux couleurs britanniques dans War Thunder..

De nombreux sites de fans français se sont développés depuis le développement d'Internet dont ceux proposant des modèles d'aéronefs, des "add-on" ou des "repaints" français avec de nombreux forums comme French Air Force ou même des escadrilles et flottiles virtuelles comme les lascars de la 12F.
J'ai d'ailleurs créé, en 2000, un éphèmère Free French n°340 squadron virtuel sour Combat Flight Simulator ou encore, pendant longtemps, proposé des repaints d'avions (Bell P39 ou Lockheed P38 - F5-B) ou d'hélicoptères (Hugues 500D) via ce site.


Ci dessus, dogfight en l'an 2000, d'un des membres du Squadron virtuel dans un Spitfire du N°340 Squadron Free French (FAFL) "Ile de France" avec ses cocardes françaises de la fin du conflit contre un Fw190 de la Luftwaffe.

En pratiquant des jeux massivement en réseaux, qui sont à la croisée de jeux de plateformes ou de la simulation, spécialement ceux dits "historiques" comme War Thunder (développé par Gaijin Entertainment et ouvert en 2013), il m'est apparu regrettable que l'on ne puisse pas effectuer une "carrière" ou piloter des aéronefs portant les couleurs d'unités de volontaires français. D'où la création de cette page mais également d'articles sur ce sujet.

Si des "repaints" sont et étaient disponibles sur le web via des contributeurs amateurs, ils ne sont pas visibles par les autres joureurs et cette question ne devrait pas rester contingentée aux forums spécialisés car elle m'apparait de plus en plus importante alors que ces "jeux" sont un biais pour aborder l'Histoire.


Ci dessus, un Bell P39 N en "repaint" du Groupe de chasse Travail en plein virage
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En effet, quitte à jouer ou simuler dans un contexte historique, pourquoi ne pas pouvoir le faire via les unités des Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) ou, à partir de 1943, tout simplement "françaises". Il ne s'agit pas dans mon esprit de vouloir transformer l'histoire mais justement de la rétablir même à travers les cocardes soviétiques (pour le Normandie Nièmen) ou britanniques. On ne peut en effet choisir que "d'incarner" le Japon, l'Union-Soviétique, les Etats-Unis, l'Allemagne ou la Grande Bretagne mais... quid d'une nation comme la France ?

Au 1 novembre 2017, pour les 5 ans du jeu, les créateurs de War Thunder ont donc finalement créé un French Tree mais... Sur la base d'une étrange lecture de l'histoire, mélange d'uchronie et d'amnésie, de juillet 1940 à juillet 1943, les FAFL (Les Forces Aieriennes Françaises Libres) et même la réalité de l'Armée de l'Air de 1943 à 1945. Pas de Spitfire, P47, P39, Yak 3, etc. Une drôle de france entre 1940 et 1945. Certes pas celle de Vichy mais des prototypes ou des avions distribués en faible quantité avant juin 1940 comme le VG33, des prototypes comme le MB 157 qui ne joua aucun rôle, des A35 américains qui jouèrent eux un rôle très secondaires en étant retirés de première ligne, etc. etc. Bref une perspective faussée alors que le matériel américain est bien (pour partie) dans l'arbre soviètique par exemple.

Certes, avec la défaite de juin 1940 (voir l'historique des forces aériennes françaises pendant la guerre) la France, malgré son honneur sauvé par les Français Libres du général de Gaulle, a été déclassée des grandes puissances. Cela étant, le combat n'a pourtant jamais cessé à travers les français libres et, finalement, il y a eu des unités françaises du côté allié de 1939 à 1945, et donc une possibilité de piloter des avions frappés de nos cocardes, d'une croix de Lorraine ou même simplement d'un code d'unité comme, par exemple, le code GW du n°340 squadron dont la monture fut le Spitfire.


Ci dessus, Supermarine Spitfire aux couleurs du Groupe de chasse Ile de France et son code opérationnel GW (Gusto)
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Du côté technique, outre les français engagés individuellement dans des unités de la Royal Air Force ou de la Fleet Air Arm, les unités à l'effectif majoritairement français (et classées comme "françaises" dans les accords alliés) ont volé sur un nombre très divers de machines, comme le montre l'organigramme des Forces Aériennes françaises au moment de la capitulation allemande. Il y a eu des Spitfire, des P47, P51, P38, P39, etc. français et notre aviation pendant la Seconde Guerre Mondiale n'est pas limitée au Ms 406 ou au Dewoitine 520 de 1940.
C'est d'ailleurs en un sens une chance de par la diversité des "montures" françaises (donc alliés) puisqu'il est "légitime" de voler sur un nombre très important de machines.


Ci dessus, parfois perçu comme l'unique avion français possible dans les simulateurs, le Dewoitine 520. Ce qui compte pourtant ce n'est pas qui l'a fabriqué et si c'est un Spitfire ou du "Made in France" mais pour qui et pourquoi on vole dedans. Une cocarde britannique avec une croix de Lorraine valait bien des dizainnes de cocardes "françaises" en 1941 ou 1942.

Le plus souvent cependant, même un simple insigne associé à la France comme une Croix de Lorraine n'étaient même pas disponible dans l'arbre britannique. La France a pourtant sûrement "gagné" une place parmi les vainqueurs en 1945 (certes autant grâce à Churchill que De Gaulle). C'est une question à la nature non seulement ludique mais aussi historiographique que, dans les jeux historiques, la France soit présente.

Le jeu vidéo fait maintenant partie de la culture populaire et exerce une influence croissante sur les imaginaires qui construisent des mythologies et ce qu'on appelle le « soft power » qu’illustre le cinéma américain comme outil du rayonnement culturel de la puissance américaine. C'est aussi une question "d'influence" avec des conséquences politiques sur la place de la France dans le monde d'aujourd'hui.

Dernière vidéo en octobre 20107 juste avant l'arbre tant espéré qui s'avère décevant...

Dans sa dimension historique, ce type de jeu est indirectement, qu'on le veuille ou non, un programme « éducatif ». Cela a des conséquences le plan historiographique et cette faible représentation des ailes françaises, qui doit nous interpeller. Il est important de dire aux jeunes français dont ces jeux que des aviateurs français se sont battus pendant toute la guerre pour la France.
Après la défaite de 1940 (voir la partie historique), ils furent une minorité mais agissant et souvent perdant la vie, ils ont gagné notre Liberté. Il s'agit donc tout à la fois d'une réalité historique et d'une façon de leur rendre hommage et pas d'une simple démarche "patriotique" et encore moins "nationaliste".


Ci dessus, un Yak 3 aux couleurs du régiment de chasse Normandie Nièmen
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Certains mauvais esprits feront d'ailleurs remarquer qu'il existe parfois des ouvertures à continuer après juin 1940 une présence "française" dans ces jeux, à travers le Dewoitine 520 aux couleurs de "l'aviation d'Armistice", c'est à dire celle du régime de Vichy. La classification de l'aviation de Vichy dans l'arbre britannique qu'on a pu voir dans els premiers temps est pour le moins une hérésie, sachant, par exemple, à quoi cette avition servit à Madagascar, au Maroc ou au Levant contre les Alliés et les Français Libres.

Ce premier combat contre l'assimilation des avions de Vichy aux alliés semble cependant gagné fin 2014 puisque qu'ils ont disparu de l'arbre technologique de War Thunder.

J'ai d'ailleurs pu aborder ce sujet dans la revue Azur et or de l'Association Nationales des Réservistes de l'Armée de l'Air (l'ANORAA) en 2016 car ses conséquences ne sont pas anecdotiques, par exemple, en matière de "Soft Power" (donc de rayonnement culturel à travers les média comme les jeux vidéo).


Ci dessus, un repaint "fantaisiste" pour CFS 2 ou FS 2002, petit hommage au "Petit Prince" et son auteur le commandant de Saint Exupéry
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Comme enseignant jusqu'en 2017 (donnant des cours en Sociologie des médias, Culture des nouveaux médias ou en Histoire culturelle y compris à des américains), j'ai souvent pensé qu'il était important de ne rien omettre de notre histoire mais, en même temps, de rester clair sur ce qu'ont représenté les forces en présence et ce pourquoi et qui elles se battaient. Il s'agit d'une question éthique importante même si je ne veux pas qu'on confonde l'Histoire avec un jeu dont les combats sont d'ailleurs possibles sur toutes les machines, y compris avec des livrées non historiques, par exemple, en mode "arcade". Cette dernière possibilité présente d'ailleurs un intérêt pour les fans d'aviation, car cela vise à simuler des combats entre des machines qui n'ont pas eu l'occasion de se battre en elles (combats inter-Aliés ou inter Axe par exemple). On peut voler sur un avion allemand, comme moi souvent sur Fw190, mais en même temps savoir ce qu'il représente.


Ci dessus, capture d'écran en plein virage sur un Spitfire MkV aux couleurs britanniques dans War Thunder..

C'est donc une question importante de souhaiter qu'il existe, en général, une possibilité de voler "français" sur les machines réélement utilisées en nombre par des français. Les aviateurs, spécialemnt FAFL passent donc, de plus e plus, à la trappe de l'Histoire avec un grand H.

Ce "problème" rejoint d'ailleurs finalement la question du droit d'auteur et la marchandisation excessive des archives publiques françaises d'images animées ou fixes. En effet, contrairement à la posture anglo-saxonne sur le sujet (avec un domaine public plus court pour les images prises par des agents de l'Etat), les images françaises sont implicitement inutilisables pour des revues, expositions, films ou sites web, pour des questions de prix. Cela rejoint donc également mes activités de consultant alors que nous avons tant de films ou d'images d'archives immontrables en France et que nous n'avons même pas besoin des autres pour nous faire oublier notre propre histoire.

Ci dessus, le rempaint d'un Supermarine Spitfire du groupe de chasse 4/2 Ïle de France (n°340 squadron de la RAF) conçu pour Warthunder par "ScoAtao" dans l'évolution graphique de début 2016..

Essayons, malgré tout, de militer, au moins pour les plus jeunes, sur le web ou via des jeux utilisés par des millions d'adeptes, pour que les combats de nos anciens aviateurs soient connus et qu'ils retrouvent la place qui est la leur dans l'Histoire !